Souvenez-vous, il y a quelques
jours je vous retransmettais les exploits de l'équipe de foot burkinabée au
sein de la CAN 2013.
Après avoir été sélectionné pour
les ¼ de finale, les étalons s'en vont donc défier le Togo remportant au bout
la qualification pour la ½ finale...
Etape par étape, petit à petit,
l'équipe s'en va se battre pour une place en finale face au Ghana...
1/ THE match!
Match difficile, le Ghana est un
adversaire redoutable m'apprend-on. Le Ghana nous assigne d'un penalty dans la
première partie. L'arbitre de la rencontre fait de telles erreurs qu'on peut
entendre « VENDUUUUUU !!! » !
Assignant Jonathan Pitroipa,
l'homme de la compétition, au vestiaire suite a un double carton jaune
absolument démérité, l'arbitre de la rencontre a véritablement obtenu le titre
de bête noire de la CAN. D'autant que quelques minutes après il refuse un but
marqué par Bancé « en toute légalité » sans vraiment savoir
pourquoi...
Mais les verts n'ont pas dit leur
dernier mot... A 10 sur le terrain, ils réussissent à égaliser tant bien que
mal, reprenant au Ghana son espoir d'aller directement en finale.
La fin du match à sifflé, les
prolongations sont looooongues. Aucun but.
Tirs au but, stress, cris, angoisse,
et finalement le Burkina a retrouvé justice en remportant cette épreuve haut la
main !!
Ouffff !!
C'est la folie dans Ouaga et dans
le pays tout entier.
Il faut danser, boire pour
célébrer cela, crier, klaxonner...
Puis vient le jour de la finale.
Il faut savoir que toute la semaine fut sous le signe de cette victoire. Les
étalons n'avaient pas marqué un but depuis 1998, ils n'avaient jamais passé les
¼ de finale dans la CAN.
Imaginez alors la vie des
supporters : sifflements, portant le maillot de l'équipe, drapeau au vent,
bières, shaw, etc, et ce chaque jour jusqu'à la finale.
Puis vient le fameux dimanche.
On va s'installer maquis dès 16h
pour être sûr d'avoir suffisamment de place puisque nous sommes une douzaine à
nous retrouver, au moins ! On trinque, on danse, on se prend du vuvuzela
plein la tête toute la soirée, à 17h mes tympans avaient déjà creusé leur
tombe, bref, folie.
Eh puis le match commence, c'est
chaaaaaud, le Ghana ne fait qu'action sur action, ils manquent de marquer une
dizaine de fois, et là, coup de massue, but du Ghana. Il faudra attendre la
seconde période pour reprendre espoir mais rien n'y fait, nos étalons
cafouillent, ils ratent beaucoup de passes, beaucoup de corner, etc.
C'est la défaite... Quelques uns
ne traînent pas, aussitôt le coup de sifflet final donné, ils rentrent chez
eux. Il y a ceux qui se relèvent tout de suite pour célébrer la deuxième place
sur le podium puis il y a ceux, comme moi, qui ont besoin d'un petit temps de
digestion avant de reprendre le shaw. Parce que quand même, une finale, c'est
beau, ne prendre qu'un but de la part du Ghana c'est fort, alors on l'applaudi
cette équipe du Burkina, qui depuis 1998 n'avait pas marqué.
Et on en reparlera le lendemain.
Et figurez-vous que ce lundi là, ce lendemain, eh bien les boutiques étaient
fermées, l'après-midi les enfants ont déserté les écoles pour fêter cela encore
et encore. Lundi soir les joueurs attérissent au Burkina depuis leur avion
privé, mais c'est le feu à l'aéroport, un virus à touché tout le monde, on fuit
pour filer à Ouaga aller acceuillir les jours. Mais ce n'est pas terminé :
le président Blaise Compaoré annonce que le mardi est chômé/payé !!!! Ok
c'est parti pour la teuf !!
Pfiou, quelle aventure.
2/ Les « qu'en
dira-t-on »... (ça s'écrit bien comme ça??)
Maintenant, derrière les
tribunes, juste après le plaisir qu'incombe les victoires des verts, il y a
quand même ces questionnements et cette colère de la part des habitants du
pays : l'Etat burkinabé étant le premier sponsor de l'équipe de football
nationale, il décide d'attribué 3 500 000 FCFA à chaque joueur en prime de
match gagné. Puis à partir de la ½ finale, cela double, on parle de 7 000 000
par joueur...
Mais alors que l'école reste
payante et donc non abordable pour certaines familles, alors que bon nombre de
villages n'ont pas assez d'infrastructures pour développer les cultures, les
récoltes et ainsi nourrir leurs populations, alors que le système de santé
impose aux patients de payer la totalité de leurs soins même minimes, on se
demande comment le gouvernement peut annoncer qu'il va offrir 7 000 000 à
chaque joueur à chaque match remporté.......
Pour information, le seuil de
pauvreté au Burkina s'élève à 80 000 FCFA/an/habitant. Un salaire moyen pour
une personne ayant un emploi correct varie entre 30 000 et 70 000 FCFA/mois.
La scolarité en primaire est de
25 000 FCFA/an/élève, au collège elle grimpe à 70 000FCFA/an/élève, au lycée on
passe les 80 000 FCFA et en ce qui concerne les études universitaires, chaque
élève à intérêt à ne pas rater ses années car il verra ses parents se tuer à la
tâche pour lui financer.
Il faut savoir également qu'ici,
on a imposé le système LMD aux universités. Licence, Master, Doctorat. Mais tel
que ce système est créé, il exige des étudiants qu'ils puissent très
régulièrement faire des recherches de leur côté, en dehors des cours dispensés.
On sait que les bibliothèque sont pauvres et internet est cher, la connexion
n'est pas toujours bonne, chaque étudiant n'a pas les moyen de s'offrir un ordinateur,
etc, etc (« quoi, quoi, quoi » comme on dit ici).
Alors, on voit les enseignants et
étudiants tirer les langues pour calquer le système LMD dans un pays qui n'y
correspond pas.
Comment peut-on imposer de telles
choses sans même s'y préparer. On laisse alors les étudiants s'inscrire, on
leur dispense leurs premiers cours, eh puis en cours d'année on s'arrête pour
réfléchir, on grève, on galère à corriger les copies des étudiants car on n'a
pas pensé à formé les professeurs aux nouvelles exigences des examens.
C'est ainsi que je vois mes amis
en attente de leurs résultats d'examen de Deug de Biologie et Géologie depuis
le mois de juin...
Cerise sur le gâteau, ou plutôt
arsenic sur mort aux rats, on fini par leur annoncé que leur année est annulée,
que compte tenu des cours dispensés à cette période, ils ne correspondent pas
au système instauré aujourd'hui. Je ne sais que dire à mes amis, je reste
bouche bée devant tant de manque de respect pour ses étudiants et leur famille
qui se sont donné tant de peine pour suivre des études. Je suis en colère mais
je les voit découragé, et même pas surpris, alors je me tais, j'arrête de me
mettre en colère, je reprends mes esprits et ma sagesse, ainsi est la vie ici.
Il faut que ça change.
Arrêtons de vouloir à tout prix
imposé des systèmes occidentaux qui fonctionnent dans certains pays mais qui ne
peuvent pas fonctionner partout. Adaptons-nous à chaque état, à chaque
population.
Et tant qu'à faire, ouvrons la
question de l'Education Nationale burkinabée. Calquée sur le système français,
elle propose exactement les mêmes cursus. Et un soir, autour d'un thé, je
discute avec un ami qui me demande ce que je pense. Je lui renvoie sa question
comprenant qu'il en a quelque chose à dire lui de tout ceci. Et il m'explique
qu'ici, on forme les étudiants à des filières qui ne leur serviront pas dans la
mesure où on peut faire Lettres modernes, Sociologie, Psychologie, Histoire,
c'est beau, c'est intéressant, mais ça débouche sur quoi concrètement... Il n'y
a pas d'emploi. Dans ces domaines là, seules les associations œuvrent mais
l'argent c'est une galère pour le trouver, pour embaucher des professionnels.
Alors les grands utopistes, comme
moi, se diront que les études ne sont pas toujours faites pour débaucher sur un
emploi mais bien plus pour s'ouvrir sur le monde et pouvoir le critiquer après
en avoir compris un minimum de tenants et d'aboutissants.
Mais le problème est toujours là,
pendant que les étudiants apprennent de belles choses, il ne se forment pas aux
métiers techniques qui leur permettraient d'acquérir des activités génératrices
de revenus (AGR). Mais alors développons ces filières techniques. Ou bien
demandons une fois de plus à l'état de ne balancer son peu de
« combo » par les fenêtres et de créer des infrastructures adaptées
aux besoins de ce pays qui emploieront des gens qualifiés pour y répondre (on
parle des causes des enfants en situation de rues, des familles en incapacité
de nourrir leurs enfants, de les soigner, de les habiller, de les scolariser,
on parle des exploitations encore trop nombreuses d'enfants dans le dos de
leurs parents, des conflits internationaux qui font se déplacer des populations
au sein des pays frontaliers sans qu'il n'y aie de place pour eux, d'un coup de
pouce offert aux enfants en leur fournissant des lampes solaires leur
permettant de faire leurs devoirs le soir après la tombée de la nuit, on peut
parler de plein de sujets...).
Bref, le monde reste le monde, et
derrière cela on rentre dans des débats d'instances politiques et
internationales qu'on a toujours tenu sans que les choses ne changent vraiment
alors on comprendra que de nombreuses personnes soient découragées et fâchées.
Je vous laisse y réfléchir,
approfondir les questions, ou pas. Je voulais simplement vous transmettre un
peu de ce que j'apprends ici et vous dire que où que vous soyez, si l'école est
gratuite pour vous ainsi que les soins, appréciez-le, vraiment, savourez-le,
essayez de moins vous plaindre des petites contrariétés qui ne font pas de
malheur, les enfants, allez à l'école sans rechigner, mais choisissez bien
votre voie, ne laissez pas les autres vous imposer des choix inadaptés aux
possibilités que vous offrira la vie ensuite...
Alors ainsi je ferme la page, je
pense à vous, de l'autre côté de la mer, vous me manquez parfois, je pense à
vous souvent, et je reste une française qui tente tant bien que mal de passer
inaperçue dans un pays burkinabé.
A
bientôt !!
Sarah